dimanche 28 août 2011

Home sweet home they said...


Jeunes gens de tous pays, je vais vous conter l'histoire d'une expérience à vivre au moins une fois dans sa vie : la vie dans un backpacker (plus communément appelée dans nos contrées auberge de jeunesse et moins communément hôtel pour sac-à-dosseurs, un backpacker étant comme les bilingues l'auront compris un être qui voyage sac au dos).

La première chose à faire pour vivre dans un backpacker est bien entendue de partir backpacker (et préférablement dans un pays étranger).
A ce stade il est important de savoir que les backpackers dans les pays anglosaxons ne sont pas vraiment l'idée que l'on se fait de nos charmantes petites auberges de jeunesse dans nos vertes montagnes.
Déjà vous en trouverez facilement une dizaine dans chaque rue. Un sac-à-dosseurs étant généralement à l'arrache il est préférable qu'il n'est pas trop à chercher pour trouver où dormir.
Deuxième point important : lorsque vous choisissez un backpacker vérifiez bien les douches . J'insiste bien sur ce fait. Si les douches sont propres, avec un débit puissant et de l'eau chaude courante, laissez tombez, ce n'est pas un backpacker.
Une fois que vous avez donc choisi votre backapcker il convient donc de payer pour un lit. Car vous n'aurez pas votre propre chambre évidemment. Au mieux vous serez 6 au pire vous serez 16.
Achetez donc une nuit. Oui mais attention sachez que pour une semaine cela revient moins cher. Achetez donc plutôt une semaine. Oui mais sachez que si vous achetez un mois c'est encore moins cher. Achetez donc un mois payable en avance (heu c'est assez cher finalement, surtout à sortir d'un coup..).

1. les lieux
Est donc venue l'heure de l'installation dans votre nouveau chez vous. Car je pars du postulat que vous êtes ce qu'ils appellent dans le jargon backpacker un « long term », c'est à dire quelqu'un qui vivra dans cette auberge plusieurs semaines, voire plusieurs mois, car avec l'intention de trouver du boulot localement avant de repartir. Avec l'intention j'ai bien dit. C'est un point sur lequel je reviendrai plus tard.
Vous êtes donc dans votre nouveau chez vous. Ce n'est pas moi qui le dit c'est le slogan d'à peu près tous les backpackers hostels du monde entier : « Your home away from home ». Et ça croyez moi ça ne tombe pas dans les oreilles de sourds. Le backpacker se croit donc chez lui et son installation est sur-réalistement rapide. Comptez 2/3 heures et vous aurez le contenu de son sac entièrement vidé au bas de son lit (et vous serez étonnez de voir combien d'affaires peut contenir un sac à dos ridiculement petit), et un ingénieux système mis en place pour avoir toutes les commodités d'usage (pseudo frigo, séchoirs,penderies). A ce stade vous risquez d'avoir un choc. On ne vous a peut-être pas prévenu qu'un dortoir de backpacker peut ressembler à Naples dans ses pires jours. Si toutefois vous trouvez à votre arrivée une chambre propre et parfaitement rangée c'est que vous n'avez pas suivi mon conseil sur l'inspection des douches : rebroussez chemin vous n'êtes pas dans un backpacker !!
Une explication toute simple à ce charmant désordre : le voyageur ne possède que deux choses : son sac à dos et son lit. Et naturellement son lit devient sa maison et son lieu à tout faire : il dort, mange, range, écrit, lit, se change, reçoit et traine sur son lit. Qui devient donc à la fois sa table, son armoire, son bureau et son salon. Là où vous ne verrez qu'une montagne de désordre, sachez que c'est en fait plus ou moins l'organisation d'un studio de deux mètres carré.
Il se peut que les plus faibles d'entre vous craquent au bout de quelques jours. Soyez forts et résistez à la tentation de faire une remarque du genre « j'ai vu une souris passée, il serait peut être temps de nettoyer un peu... non ? » Ce serait très mal perçu. Un backpacker n'est pas censé être propre.
Autre pièce inévitable de votre nouvelle demeure, la pièce commune/cuisine. Bondée aux heures de repas (soit entre 14h et 23h sans interruption), vous aurez l'occasion de vous faire de délicieuses nouilles micro-ondes à consommer sans modération. Oui je vous rappelle que vous n’êtes pas censés être riche, autrement vous ne vous seriez pas installés là. Faites vous tout de même plaisir une fois de temps en temps et cuisinez un bon plat de spaghetti bolognaise. A condition que la gazinière fonctionne (dois-je encore me répéter et vous dire que rien n'est censé fonctionner dans un backpacker?)... a condition également d'avoir des couverts à disposition (les couverts et les verres ont l'incroyable faculté de disparaître « par magie » vous verrez). Ceci dit personne ne vous reprochera de manger vos spaghettis avec vos doigts. Vous êtes tous des baroudeurs, vous en avez vu d'autres.
Mais la pièce commune c'est aussi l'occasion de faire connaissance avec vos futurs colocataires/meilleurs amis/ confidents/frères de galères et punching ball de vos prochaines semaines.

2.les gens
c'est donc avec plein d'enthousiasme que vous vous présentez aux autres. Super tout le monde semble vous apprécier déjà! Les backpackers sont une grande famille. Tout le monde vous parle de.. heu... plein de trucs. Vous balbutiez votre nom en ajoutant immédiatement que vous êtes français pour expliquer implicitement que vous ne comprenez rien.
Parce que tous les gens parlent en anglais. Le vrai anglais. Les anglais parlent anglais, les allemands parlent anglais, les suédois parlent anglais, les hollandais parlent anglais, euh les chinois parlent chinois et les sud-américains et les italiens parlent anglais comme des vaches espagnoles, heureusement qu'ils sont là, ça remonte le niveau des français. On pourrait retranscrire des dialogues épiques entre français et argentins, chacun essayant de construire des mots à partir de sa langue maternelle « at what time is the... heuuu...small lunch ..in the morning.. ptit déjeuner..you see? » « surrrry, what do you significate ? »
Chaque dortoir s'accompagne également de son lot de backpackers incontournables . Tour de table :
Tout d'abord l'incontournable voyageur à la guitare. Il ne se déplace jamais sans et pousse la chansonnette à chaque fois qu'il a une minute à perdre. Peu importe que vous dormiez sur le lit d'à coté. Peu importe également que la guitare ne soit pas accordée. Le but étant de récréer un esprit colo au coin du feu et de reprendre tous en choeur les refrains (francais et italiens s'abstenir de chanter, les versions yaourts des chansons n'étant pas appréciées).
Il y a également celui dont le portable/réveil sonne incontestablement et pour une raison que vous ignorez tous les jours à 6h30 du matin. Et pour une autre raison que vous ignorez il est le seul de la chambre que ça ne réveille pas. Inutile de râler, il ne vous entendra pas.
Il y a aussi l'artiste bohème, celui qui vit pieds nus, un diabolo greffé à la main et qui vous demande constamment de le dépanner parce que totalement fauché. Généralement il est français.
Enfin il y a celui qui revient toutes les nuits complètement bourré à 4h du mat, frappe à la porte parce qu'il n'a pas ses clés, parle très fort pour s'entendre philosopher et s'endort sur le mauvais lit. Le même qui se plaint que votre réveil sonne à 9h du matin parce que vous partez bosser. Généralement il est anglais.

  1. votre vie au backpacker
On en vient donc au point crucial, votre quotidien au backpacker. Plein d'enthousiasme et de motivation au début vous êtes persuadés que vous allez décrocher un job en deux jours. Les douces illusions de la jeunesse. Certaines auberges vous promettent même du travail à condition de prendre une chambre chez eux. Du boulot y'en a à la pelle ! Ah oui mais bizarrement jamais où vous êtes. Ou vous le faites exprès ou vous loupez toujours la saison à quelques jours près. Qu'importe vous êtes à bloc et vous vous vous levez à 7h du matin histoire de rentabiliser la journée. Vous distribuez 3 cv. Vous retentez l'expérience le lendemain. Au bout du 3ème jour vous laissez tomber. De toutes façons vous ne vous couchez plus avant 5h du matin. Il y a toujours du vacarme alors autant faire la fête avec les autres. Vos journées commencent dorénavant à 15h. Vous vous alignez sur vos camarades et commencez à errer pendant des heures en pyjama dans l'auberge, du dortoir à la cuisine, à la recherche d'un autre « tombé du lit » avec qui causer, en attendant que la vie reprenne son cours à la nuit tombée.
Et c'est ainsi que vous avez épuisé toutes vos économies en 2/3 semaines, et que vous réalisez que vous n'avez plus d'argent pour repartir en vadrouille. Oublié le road trip initialement prévu suivant les conseils du lonely planet que vous vous trimbalez. Deux solutions s'offrent à vous : un appel désespéré au pays pour se faire prêter l'argent par la famille compréhensive. Ou faire le ménage dans l'auberge pour être hébergé gratuitement. Ménage.. façon de parler évidemment, vous êtes dans un backpacker après tout. Dans tous les cas vous êtes coincés là pour encore quelques semaines.
Et c'est ainsi que votre voyage se termine après une visite rapide des coins à voir parce que plus le temps et que vous rentrez dans votre vrai chez vous en ayant la sensation finalement de n'avoir gardé de ce voyage quasiment que des souvenirs du backpacker. Certains diront que c'est dommage. Mais vous savez au fond de vous que pour ces souvenirs là, ça valait décidément le coup.

(cette histoire ne se base évidemment sur aucun fais réels... ou presque)